
L’UNENU rend hommage au père de l’énergie solaire : le professeur Abdou Moumouni Dioffo !!!
7 avril 1991, 7 avril 2020 cela fait exactement 29 ans jour pour jour que disparaissait l’illustre professeur de physique dont l’université de Niamey porte le nom : le professeur Abdou Moumouni Dioffo. Il fut l’un des intellectuels les plus célèbres de l’Afrique et du Niger en particulier. Premier agrégé de sciences physiques de l’Afrique francophone, il fut l’un des grands spécialistes des énergies alternatives, notamment l’énergie solaire. Son père Moumouni Dioffo, issu d’une famille aristocratique de Kirtachi (kollo, region de tillabery), faisait partie de la toute première génération de commis d’administration. Abdou Moumouni est né le 26 juin 1929, plus connu et reconnu à l’étranger que dans son pays, l’homme était un fervent militant du panafricanisme, expert en éducation et spécialiste de renommée mondiale en énergie solaire. Le parcours hors pair de ce scientifique chevronné à la vie sociale simple et d’une très grande accessibilité -symbole de la culminance de sa sagesse- participe indubitablement à la construction d’une histoire intellectuelle de l’Afrique désormais riche et diversifiée. Retour sur le parcours de ce digne fils du Niger et de l’Afrique.
Etudes et Formations:

Après de brillantes études scolaires à l’école régionale de Zinder (1936-1942) et à l’École primaire supérieure de Niamey (1942-1944), Abdou Moumouni Dioffo fréquenta l’École normale William Ponty de Sébikotane (Sénégal) de 1944 à 1947, cette même école qui a formé tous les futurs leaders africains des années des indépendances. Il entra en 1948 au Lycée Van Hollenhoven de Dakar où il obtint le Brevet de capacité colonial (mathématiques élémentaires) en 1949. Il fut admis en préparation aux grandes écoles au Lycée Saint-Louis de Paris (1949-1951). Puis fit ses études supérieures à la Sorbonne à Paris où il obtient: Une Licence en sciences physiques en 1953; un Diplôme d’études supérieures de sciences physiques en 1954; une Agrégation de sciences physiques en 1956. De 1962 à 1964 il est titulaire d’une bourse de l’Académie des sciences de l’URSS. Il obtiendra son Doctorat d’État de sciences physiques en 1967.
Carrière professionnelle:
Comme la plus part des étudiants africains de l’époque qui sont passés par l’école normale William Ponty, Abdou Moumouni fut d’abord un enseignant. Consciencieux, rigoureux mais ouvert et compréhensif, ses élèves et étudiants retiennent de lui l’image d’un enseignant profondément africain, inspirant et débordant de l’amour de transmettre. Il servira successivement comme professeur au Lycée Van Vollenhoven de Dakar de 1956 à 1958; au Lycée Donka de Conakry pendant un(1) ans de 1958 à 1959 après la victoire du « Non » à la communauté franco-africaine suivie de l’indépendance de la Guinée; au Collège classique et moderne de Niamey de 1959 à 1961; à l’École normale supérieure de Bamako de 1964 à 1969, puis au cours postuniversitaire en énergie solaire de la Faculté de Perpignan de 1974 à 1975. Par la suite il va enseigner les sciences physiques à la Faculté des sciences de 1975 à 1991, date de sa mort, à l’Université de Niamey dont il sera le recteur de 1979 à 1982. Mais la carrière du professeur Abdou Moumouni c’est aussi celle d’un grand chercheur africain. Il mena des multiples études et recherches particulièrement sur les énergies renouvelables et devint consultant international sur les questions touchant l’éducation. Il était recherché sur un plan mondial pour donner ses analyses et participer à des comités scientifiques de recherches. Comme chercheur, il créa et dirigea, de 1964 à 1969, le Laboratoire de l’énergie solaire de la République du Mali. De retour au Niger à partir de 1969, il dirigea l’Office de l’énergie solaire du Niger (ONERSOL) jusqu’en 1985. En raison de sa spécialisation et de ses compétences dans le domaine de l’énergie solaire, le Professeur Abdou Moumouni Dioffo était régulièrement sollicité en tant que consultant. C’est ainsi qu’il fut président du Conseil Scientifique du CRES, de la CEAO et du CILSS de 1989 à 1991; consultant du gouvernement algérien en 1968; consultant de l’UNESCO sur les problèmes de l’éducation en Afrique de 1967 à 1968; consultant de la Société tunisienne d’Électricité et du Gaz (STEG) sur les possibilités d’utilisation de l’énergie solaire; membre du Comité scientifique du Congrès international « Le soleil au service de l’Humanité » de l’UNESCO; consultant de la Fondation Internationale pour les Sciences (SUEDE) pour l’attribution de bourses d’études en énergie solaire; consultant de la Banque africaine de développement sur les énergies renouvelables de 1988 à 1990; consultant du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale en 1989 etc.
Production scientifiques et engagement militant:
En tant que chercheur, le professeur en physique a eu une production intellectuelle intense. Il a, entre autres, publié : L’Éducation en Afrique, Paris, Maspéro, 1964, 400 pages, un livre dans lequel il développe l’idée de la nécessité de reformer les systèmes éducatifs des pays africains, systèmes hérités de la colonisation et qui laissaient (qui laissent aujourd’hui encore) largement de côté la culture africaine. Une éducation totalement déconnectée de nos réalités et destinée à produire plutôt des subalternes de l’administration que des véritables esprits critiques orientés vers la recherche. Partant des spécificités de l’éducation traditionnelle africaine et des besoins immenses du continent, son ouvrage recommande et propose une éducation ouverte pour mettre en place un système éducatif innovant réconciliant tradition et modernité. Un système éducatif qui métrait l’accent sur ce que nous sommes plutôt que sur ce que les autres pensent de nous. Il y évoque et soutient également l’idée, alors controversée, de l’enseignement en langues locales, sans tomber cependant dans les simplifications extrêmes et irréalistes. Il est aujourd’hui ahurissant de voir à quel point ce livre est d’actualité. Un autre livre qu’il a produit est celui intitulé L’énergie solaire dans les pays africains, Présence africaine, 1964. à ces ouvrages s’ajoutent ses thèses et autres publications. Ce sont essentiellement :
« Étude théorique et expérimentale de la répartition de l’énergie du rayonnement concentré dans le plan focal de miroirs paraboliques précis », première thèse de doctorat, Paris, 1967 ; « Étude théorique de caractéristiques optiques (réflexion, absorption, transmission) d’un système de lames diélectriques : application à l’étude de la captation du rayonnement solaire par des dispositifs utilisant l’effet de serre et à la polarisation de la lumière par réfraction dans le cas de lames à pouvoir absorbant non négligeable », deuxième thèse de doctorat, Paris, 1967 ; des articles et communications scientifiques : « nouveaux résultats expérimentaux relatifs à la courbe de répartition de l’énergie du rayonnement concentré dans le plan focal de miroirs paraboliques précis de type projecteur » de D.C.A.C.R., Acad. Sciences, Paris, 1966, Th., 263 pages ; « Justification théorique des résultats expérimentaux relatifs à la répartition de l’énergie concentrée dans le plan focal de miroirs paraboliques précis », C.R. Hebdomadaire séance Académie de Sciences de Paris , 1966 ;
« Analyse des particularités du fonctionnement des radiomètres thermoélectriques à disques récepteurs absorbants en régime permanent et variable », Revue générale de thermique, vol. VII, n° 74, février 1968 et bien d’autres publications.
Le professeur Abdou Moumouni, en plus d’être un scientifique chevronné était également un homme engagé pour la cause des africains et contre le colonialisme sous toutes ses formes. Étudiant, il était déjà un militant très engagé. Il fut membre fondateur de la Fédération des Étudiants d’Afrique Noire en France (FEANF) et membre fondateur du Parti Africain de l’Indépendance (PAI). Mais le combat politique d’Abdou Moumouni ne s’est pas limité au mouvement associatif estudiantin. Il a reçu de l’éducation de ses parents et de sa formation deux traits fondamentaux de son caractère qui furent une constante tout au long de sa vie : la rigueur et la mystique du travail. La mystique du travail renfermait chez lui deux aspects : le dépassement de soi et le travail comme action politique. Et en 1958 lors du referendum sur la constitution française devant aboutir à la mise en place de la communauté franco-africaine, il soutiendra publiquement le « NON » retentissant de la Guinée conduisant à l’indépendance de cette dernière.
Eminent scientifique il était aussi un modèle sur plusieurs plans. Ainsi, alors qu’à de multiples reprises on lui proposa de travailler dans des laboratoires occidentaux, il avait choisi de servir là où personne de son rang ne voulait aller : l’Afrique. C’est donc à partir de l’Afrique qu’il a voulu apporter sa pierre à la recherche au service de l’humanité. C’est ce qui explique que l’illustre scientifique ait obtenu plusieurs distinctions honorifiques, certaines à titre post mortem. Ainsi dès 1992, soit un an après sa mort intervenue le 7 avril 1991, l’université de Niamey sera rebaptisée pour porter désormais le nom du père de l’énergie solaire. Il aura également durant sa vie, obtenu les distinctions honorifiques suivantes :
Commandeur de l’Ordre national du Niger,Officier des Palmes académiques du Niger, le prix « Guinness Awards for scientific achievement », Diplôme de la médaille d’or de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle etc.



Photographies de Marc Jacquet-Pierroulet – Abdou Moumouni Dioffo
Le Professeur Abdou Moumouni, au-delà du Niger, c’est à l’Afrique entière qu’il a donné des raisons d’être fier de lui. Une fierté qui doit se manifester, non pas par des discours élogieux improductifs, mais par la continuation de son combat. Le contexte sanitaire actuel de notre pays qui est dominé par la pandémie du coronavirus, vient cruellement nous rappeler la nécessité pour nous de redonner à la recherche scientifique la place qui est la sienne.
La sécurité d’un Etat au 21em sicle ne dépend plus uniquement ni même prioritairement de son armement militaire, elle est désormais étroitement dépendante du niveau de son développement scientifique. Nous avons tous l’obligation de devenir des ABDOU Moumouni et dans tous les domaines.
Reposez en paix cher professeur !!!
VIVE L’USN !
VIVE L’UENUN !
TOUS UNIS, NOUS VAINCRONS !
S’ENGAGER OU PERIR !
Union des Scolaires Nigériens (USN)
Union des Étudiants Nigériens à l’Université de Niamey(UENUN)
Commission Presse
Ecrit n° 14
Tel: 98339914/88059003
Mardi 07-04-2020
Pour la commission presse : Le camarade DG B .H. IDRISSA BARRY